sebina, you, services, bibliothèque, utilisateur



collect'OR #10 | Une inspirante "Histoire de monstres"

collect'OR #10 | Une inspirante "Histoire de monstres"

La saison du carnaval approche, quoi de mieux que de feuilleter un traité du 16e siècle sur les monstres pour trouver une idée originale de déguisement ?

La saison du carnaval approche, quoi de mieux que de feuilleter un traité du 16e siècle sur les monstres pour trouver une idée originale de déguisement ?

Cette Monstrorum historia a été publiée en 1642, bien après la mort de son auteur, Ulisse Aldrovandi (1522-1605), qui était un médecin et naturaliste italien de la Renaissance. Passionné de zoologie et de botanique, il a étudié et enseigné l’histoire naturelle à l’université de Bologne dont il a notamment fondé le jardin botanique. Au cours de sa vie, il a rassemblé de très riches collections naturalistes qui ont formé la base d’un cabinet de curiosités de plusieurs milliers de spécimens.

À partir de 1600, Aldrovandi arrête l’enseignement pour s’atteler à la création d’une encyclopédie zoologique, botanique et minéralogique. Pour ce projet, il s’entoure de plusieurs dessinateurs, peintres et graveurs – dont le plus célèbre est Jacopo Ligozzi, artiste majeur de la cour des Médicis à Florence – qui lui permettent de rassembler des milliers de dessins d’animaux, plantes ou minéraux. Dans les années 1599-1603, il publie un ouvrage d’ornithologie, Ornithologiae (1599-1603) et un traité d’entomologie, De animalibus insectis (1602).

Ce projet est cependant interrompu par sa mort en 1605. C’est son disciple Bartolomeo Ambrosini qui reprend ses notes pour publier le tome V de cette encyclopédie, consacré à l’histoire des monstres.

L’ouvrage se veut scientifique, ce qu’il illustre est donc ce qui a été décrit – car observé – notamment par les grands explorateurs de l’époque. Or on trouve dans ces récits de voyage des descriptions de peuples rencontrés où le mythique se mêle au réel pour rendre compte des différences vis-à-vis du modèle occidental : les « bons sauvages » côtoient donc des figures mi-homme mi-bête, voire des créatures encore plus incroyables. On peut lire dans ce volume la place toujours importante à la Renaissance des superstitions et la fascination pour ce qui est hors-norme (le terme de « monstre » vient du verbe latin monstrare : les monstres sont des êtres que l’on montre).

Les nombreuses illustrations de l’ouvrage sont toutes des gravures sur bois, formant une galerie assez hétérogène entre réel et imaginaire. On y croise des monstres (satyres, harpies, monstres marins…) ou animaux extraordinaires  mais parfois devenus bien ordinaires aujourd’hui (comme la girafe !), des hommes ou femmes « sauvages » tels que représentés dans l’iconographie traditionnelle de l’époque (tel le « roi des Cannibales »), des miracles (la femme qui vomit des épis de blé), des conditions physiologiques bien réelles (bicéphalie humaine ou animale, nanisme, gigantisme, hirsutisme, ou encore absences de membre à la naissance) mêlées à d’autres plus fantaisistes (l’enfant à tête de grenouille, par exemple), etc. 

On retrouve dans ce traité des emprunts à des ouvrages antérieurs (comme ceux d’Ambroise Paré, du médecin suisse Jacob Rüff ou de l’humaniste alsacien Conrad Lycosthenes) et un intérêt partagé largement avec d’autres auteurs contemporains. Œuvre de collectionneur, l’ouvrage d’Aldrovandi n’est pas un traité méthodique mais en tout cas une compilation impressionnante qui reste une source d’étonnement, d’intérêt voire d’inspiration quelques siècles plus tard !

Pour prolonger l’exploration

La Monstrorum historia d’Ulisse Aldrovandi présentée ici fait partie des collections de la Bnu en dépôt à l’université de Strasbourg. Numérisée par le Service des bibliothèques, elle est disponible en ligne ainsi que plusieurs autres tomes zoologiques issus de l’encyclopédie d’Aldrovandi. Vous y retrouverez des centaines de magnifiques gravures d’animaux !

Bibliographie sélective :

Casin Rémy et al. (dir.), Trésors des Bibliothèques et Archives d’Alsace, Éditions La Nuée Bleue / Éditions du Quotidien, en coédition avec l’association de Coopération régionale pour la documentation et l’information en Alsace, Strasbourg, 2017
 
Bitbol Annie et Gana Jacques, Les Monstres de la Renaissance à l’âge classique [livre-exposition virtuel], BIU Santé, 2004 : https://www.biusante.parisdescartes.fr/monstres/
 
Myara Kelif, Elinor. « Le monstre marqueur de l’humanité originelle, de Piero di Cosimo à Ulisse Aldrovandi », Revue de la BNF, vol. 56, no. 1, 2018, pp. 111-121 [ disponible en ligne]
 
Martial Guédron, Les monstres : créatures étranges et fantastiques de la préhistoire à la science-fiction, monographie, 2018 : disponible à la bibliothèque des arts et à la Bnu
 
-------
Ce collect'OR a été réalisé par Marie Boissière-Vasseur et Lucie Le Gouas-Wald du Pôle Collection du Service des bibliothèques